Connue pour sa collègiale inscrite au Patrimoine de l'UNESCO, Notre-Dame-en-Vaux l'est également pour sa collection de sculptures médievales exceptionnelles. Mises au jour par Sylvia et Léon Pressouyre entre 1963 et 1976, ces vestiges d'un ancien cloître aujourd'hui disparu témoigne de la transition entre l'art roman et l'art gothique au XIIe siècle. Objet d'un ambitieux chantier numérique pour sa rénovation, le Musée du cloître de Notre-Dame-en-Vaux propose à sa réouverture une base eCorpus enrichie d'une nouvelle collection, dans laquelle vous pourrez admirer des reconstitutions inédites des pièces les plus iconiques des chefs d'oeuvres de Châlons-en-Champagne.
Une réouverture sous le signe du numérique et de l'innovation
Erigé lors du XIIe siècle, le cloître de Notre-Dame-en-Vaux arborait une collection de statue-colonnes et de chapiteaux historiés, illustrant des passages des l'Ancien et du Nouveau Testament. Ces sculptures richement décorées témoignaient de la richesse des maîtres de l'édifice, tout en ayant vocation à instruire les chanoines y résidant, en dépeignant des scènes clefs de la Bible. Trop coûteux en entretien, ce cloître finira par être rasé au XVIIIe siècle par les chanoines, les statues étant mises en morceaux pour être réutilisées dans les fondations des nouvelles habitations de la ville de Châlons-en-Champagne.
Des années plus tard, au XXe siècle, ces trésors lapidaires reverront la lumière du jour grâce aux Fouilles effectuées par Sylvia et Léon Pressouyre. Médievistes passionnés, le couple rassemble, inventorie et assemble patiemment ces fragments dans ce qui deviendra de nos jours le Musée du Cloître de Notre-Dame-en-Vaux.
Accueillant régulièrement les connaisseurs et adeptes de l'art sculpté médiéval, le musée du cloître a pris la décision de fermer ses portes temporairement afin de remettre au goût du jour son parcours muséale et sa scénographie. L'équipe du musée avec le soutien de la ville voit les choses en grand: les statues-colonnes seront mises en valeurs grâce à des dispositifs numériques. Au programme: des bornes holographiques, une table tactile, des cartels numériques, un puzzle en impression 3D et un mapping affichant la polychromie hypothétique d'une arche du cloître disparu.
C'est au profit de cette fermeture exceptionnelle que les ouvrages exposés ont pu être numérisées via un processus de photogrammétrie. Une fois créés, ces jumeaux numériques peuvent non seulement assurer une pérénité aux oeuvres du musée, mais aussi être utilisé pour leur reconstitution numérique, dans une continuité du travail entamé par les Pressouyre des années auparavant.
En savoir plus sur la réouverture du musée du cloître de Notre-Dame-en-Vaux
Des scènes eCorpus utilisées en tant que cartels numériques
Disposées à des points stratégiques du parcours de l’exposition, des tablettes tactiles permettent aux visiteurs l’accès à douze oeuvres majeures de la collection. Elles prennent alors la forme de cartels numériques.
Discrets et compacts, ces dispositifs permettent à tous ceux qui le souhaitent de découvrir plus en détails les statues qu’ils ont sous leurs yeux, mettant en avant des secrets et anecdotes iconographiques qu’un public non avertis pourrait avoir manqué.
Complémentaire aux oeuvres qu'il dévoile, ce format de cartel numérique offre une totale autonomie aux visiteurs moins adeptes des visites guidées traditionnelles. Les annotations et articles rédigés par l'équipe du musée offrent des mises en avant de détails ainsi que des éléments de comparaisons avec des scultpures comtemporaines.
Ce faisant, ce système permet une meilleure accessibilité à la compréhension des oeuvres, à la fois guide et support visuel pour les animateurs et guides conférenciers.
Valoriser ce fond de sculptures prend tout son sens dans l'histoire moderne de Châlons-en-Champagne. Très fortement touché par les dégradations révolutionnaires, les sculptures du cloître de Notre-Dame-en-Vaux comptent parmis les seules survivantes d'un art religieux monumental médiéval dans cette région.
Utiliser une base de données afin de réaliser des reconstitutions numériques
Les Pressouyre ont beaucoup oeuvré pour redonner vie aux statue-colonnes du cloître. Le travail fournit pour redonner une forme compréhensible à ces statues est remarquable. D'abord ressortit de terre, ces-derniers ont été triés, repertoriés et finalement assembler avec de la métaline pour leur redonner leur forme d'origine.
Pour autant, les statue-colonnes restent très endomagées et lacunaires. Les avancées technologiques permettent, via la manipulation de reproduction 3D dans un espace numérique, d'aller plus loin dans cette démarche, en proposant des hypothèses de reconstitutions virtuelles très avancées. Ce système permet également un haut taux d’itérations dans les hypothèses de reconstitution, l’artiste n’étant plus limité en place ni en quantité de matériau utilisable.
Imaginer et reconstruire numériquement ces chefs d'oeuvres de l'art médiévale était un défi qui a été surmonté via l'étude approfondie de la collection des sculptures du cloître, de leur iconographie et de la comparaison aux autres oeuvres médiévales similaires. La collaboration étroite des chercheurs du musée et d'infographistes 3D ont permit la restauration complète et hypothéthique des oeuvres lacunaires du cloître, qu'il est possible d'afficher et de mettre en scène grâce aux fonctionnalités d'eCorpus.
Cette démarche a pu démontrer les possibilités qu'offre le numérique dans le monde de la recherche et de la mise en valeur du patrimoine. Loin de remplacer ou contrefaire ces parties d'oeuvre à jamais perdue, ce procédé permet de présenter et d'itérer des hypothèses de reconstitutions qui pourraient, à terme, faire avancer la réflexion et ouvrir de nouvelles portes pour la médiation culturelle.
Découvrir la Collection numérique des oeuvres lapidaires reconstituées du cloître de Notre-Dame-en-VauxLa réalisation d'un véritable Puzzle lapidaire via une hypothèse de fragmentation
Pour les archéologues, la reconstitution des statue-colonnes n'est pas une mince affaire. Aujourd'hui confronté au résultat final, il est dur de s'imaginer la quantité de travail minitieux nécessaires pour remonter une oeuvre dont les fragments épars sont retrouvés souvent à des mètres et des années de distance les uns des autres.
Le couple Pressouyre, aidé d'amateurs d'histoire locale auront mis plus de 10ans à fouiller systèmétiquement le terrain de l'ancien cloître en profitant d'une part d'une politique publique de récupération de ces terrains pour en refaire un espace publique, mais aussi en réalisant des fouilles dans les maisons et les bâtiments du presbytère, creusant sur près de deux mètres de profondeur sous le niveau actuel du sol pour dénicher tous les fragments enfouis.
Ensuite commence le travail de documentation, de tri, d'inventaire, d'identification et enfin de remontage. Les notes de fouilles de ce chantier, conservé à l'INHA offre un regard inédit sur ces longues fouilles réalisées dans des conditions loin d'être toujours optimales. Ces travaux sont à découvrir dans le cadre du projet Pense : à la recherche du cloître perdu.
Dans la lignée des hypothèses de reconstitutions par anastylose, le musée a témoigné de sa volonté de rendre ce travail à nouveau visible en faisant apparaitre certaines statue-colonnes sous forme fragmentaire, telles que découvertes par les Pressouyre, sans pour autant alterer le réassemblage effectué par ces-derniers.
La modélisation de l'iconique statue-colonne représentant les Noces de Cana a été utilisé à titre de démonstrastion. Les fragments lapidaires étant désormais scellés dans de la métaline, il est pour le moment impossible de savoir à quoi ils ressemblent exactement. L'utilisation de photos d'archives et l'étude des notes de Pressouyre ont été indispensables pour la réalisation des cette proposition de fragmentation. Le maillage créé artificiellement a été dépeint en bleu pour montrer l'incertitude concernant la véritable forme de ces pièces.
Pour visualiser la scène eCorpus présentant la fragmentation des Noces de Cana
Conclusion
La famille d'utilisateurs d'eCorpus s'agrandit pendant que l'innovation s'accorde de plus en plus avec les besoins des musées. Plus qu'une collection numérique augmentée pour la recherche et l'archivage des oeuvres, il propose des solutions pertinentes pour un visionnage hors-musée et s'inscrit comme véritable support de médiation in-situ.
Offrant une possibilité d'autonomie, ces dispositifs sont complémentaires des visites guidées traditionnelles, et permettent de rendre accessible le musée à un tout nouveau pannel de visiteurs.
Si l'outil a déjà été adopté par les conservateurs, les chercheurs ne sont pas en reste et profite également de ces fonctionalités pour aller plus loin dans leurs hypothèses. Ce sytème offre un pont et une synergie entre recherche et valorisation du patrimoine de manière inédite et évolutive.
Crédits et remerciements
Les équipes des musées de Châlons-en-Champagne | |
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Clémentine Lemire | Directrice |
Enora Gault | Directrice adjointe |
Caroline Guerlet | Chargée de l'inventaire et de la documentation |
Aude Foviaux | Médiatrice |
INHA Pense : à la recherche du cloître perdu | |
Isabelle Périchaud | Chargée des archives d'archéologues |
Jean-Christophe Carius | Ingénieur de recherche |
Holusion | |
Thibault Guillaumont | Production |
Jeanne Rossat | Reconstitution 3D |
Sebastien Dumetz | Développement des outils numériques |
Conseil scientifique | |
Elise Bailleul | MdC en histoire de l'art médiéval, Université de Lille |
Marc Gil | MdC en histoire de l'art médiéval, Université de Lille |
Merci à toutes les équipes des musées et de l'agglomération de Châlons-en-Champagnes ainsi qu'aux chercheurs associés au conseil scientifique et à l'INHA pour leur travail méthodique et rigoureux qui a permis de remettre ce site unique en lumière.