Plaque de Gédéon et la toison

origine

Région mosane, vers 1160 conservation: Lille, Palais des Beaux-Arts, Inv. A 54

dimensions

H. 23,6 ; L. 13, 2 cm

materiaux

Émail champlevé sur cuivre doré

Inscription

GEDEON ; HIC ROS STILLAT IN VELLERE (« que la rosée coule goutte à goutte sur la toison ») ; CONCA (« coupe »)

Technique

Essais de gravure au revers de la plaque, figurant une petite tête de lion : poinçon ou plutôt un « brouillon » d'orfèvre. En bordure, trous de fixation de la plaque.

Historique

Etat de conservation

L'émail a entièrement disparu, à l'exception de quelques fragments d'émail bleu sur le casque de Gédéon. La dorure a également disparu.

Commentaire

Cette plaque de cuivre gravée puis émaillée et dorée illustre l'épisode de Gédéon et la toison, tiré du Livre des Juges (6,36-40). Dieu, en colère contre le peuple d'Israël retombé dans l'idolâtrie, livre celui-ci aux Madianites pendant sept ans. Au bout de ce temps, Dieu, invoqué par les Israélites repentants, désigne Gédéon, le plus faible de sa tribu, pour délivrer Israël de ses oppresseurs. La plaque illustre le moment où Gédéon, identifié par une inscription, demande à Dieu une première preuve de sa confiance en lui pour délivrer son peuple (6, 36-38) :

« Si tu veux vraiment délivrer Israël par mes mains, comme tu l'as dit, voici que j'étends sur l'aire une toison de laine. S'il y a de la rosée seulement sur la toison et que tout le sol reste sec, alors je saurai que tu délivreras Israël par ma main, comme tu l'as dit. Et il en fut ainsi, Gédéon se leva le lendemain de bon matin, il pressa la toison et de la toison exprima la rosée, une pleine coupe d'eau ».

Tel un chevalier du XIIe siècle, Gédéon est déjà armé et revêtu de son équipement militaire : une broigne (tunique recouverte de plaques de métal et de cuir) sur un haubert (chemise de mailles métalliques), des braies à bandes molletières pour les jambes, le casque conique sur la tête. Il porte une épée à la taille et tient un bouclier rond à ombo. Légèrement prosterné, il s'adresse à Dieu, dont la main, sortant des nuées sous des cieux nocturnes étoilés, bénit Gédéon et arrose la toison de rosée (rayons lumineux), comme l'indique l'inscription latine : HIC ROS STILLAT IN VELLERE, « que la rosée coule goutte à goutte sur la toison » ; rosée que le jeune héros, recueille dans une coupe (CONCA).

Par sa forme en quart de cercle redenté, la plaque devait faire partie d'une composition émaillée plus importante à portée typologique, de forme polylobée autour peut-être de la figure de la Vierge Marie (Swarzenski, fig. 17). En effet, l'épisode de Gédéon et la toison, par le miracle de la toison humide de rosée sur un sol resté sec (1ère preuve) et la toison demeurée sèche sur un sol mouillé (2nde preuve), a été compris par les théologiens chrétiens comme une préfiguration de la virginité mariale.

En 1958, Swarzenski a rapproché la plaque du Palais des Beaux-Arts de Lille d'une autre plaque conservée au Museum of Fine Arts de Boston, illustrant l'épisode des Trois jeunes hébreux dans la fournaise (Livre de Daniel 3, voir l'Encensoir aux Hébreux du Palais des Beaux-Arts). Les dimensions, le style de la gravure et le type épigraphique des inscriptions de cet émail champlevé, d'une exceptionnelle qualité, renvoient à la plaque lilloise. Ces deux plaques pourraient avoir été associées, autour d'une représentation de la Vierge à l'Enfant trônant, à deux autres types de la virginité de Marie : Moïse et le buisson ardent et Daniel dans la fosse aux lions, telle qu'on peut le voir dans la miniature de l'Arbre de Jessé d'un légendier de l'abbaye de Cîteaux du premier quart du XIIe siècle, illustré par un peintre d'origine mosane (Swarzenski, fig. 14 ; Yolanta Zaluska, L'enluminure et le scriptorium de Cîteaux au XIIe siècle, Cîteaux, 1989 (Studia et documenta, 4), p. 219-221, cat. 14).

Bibliographie

  • Swarzenski 1953, p. 157
  • Swarzenski 1958, P; 46-47, fig. 16
  • Kötzsche 1973, p. 205-206, fig. 16

Marc Gil, 2023