Pied de Croix de l'abbaye de Saint Bertin

origine

Meuse (Liège ?) ou Audomarois (atelier de Saint-Bertin ?), vers 1180

conservation

Saint-Omer, musée Sandelin, inv. 2800 bis

dimensions

H. 31,5; L. 29,5; Pr. 29,5 cm

materiaux

Cuivre fondu, gravé, ciselé et doré, émaux sur cuivre champlevé, bois (âme du pilier)

Techniques

Dôme et frise ont été façonnés ensemble. Les évangélistes s’insèrent par une encoche sur la frise et sont fixés à l’arrière par une patte et une vis. Au sommet du dôme, base du pilier et symboles, fondus ensemble, sont tenus par quatre rivets, visibles sur la face interne de la coupole.

Le pilier lui-même est constitué d’une âme en bois (pilier interne), sur laquelle sont fixés par des clous les barrettes perlées verticales des angles et les plaques émaillées.

Enfin, le chapiteau est constitué de trois pièces emboîtées et rivetées : base carrée associée aux bustes ; corbeille ajourée et feuilles d’angle ; tailloir au sommet.

Inscriptions

  • Sur le chapiteau :
    • « terra »
    • « mare »
  • sur les phylactères des symboles des évangélistes :
    • « joh(ann)es »
    • « lvcas »
    • « mats »
    • « marc »
  • sur les livres des évangélistes
    • Marc (Lc, XXIII, 46) : « in man(us) tuas »
    • Luc (Lc, XXIII, 46) : « hec dic(en)s expiavit »
    • Matthieu (Mt. XXVII, 50) : « clamans voce magna emis(it) sp(iritu)m »
    • sur les émaux du pied
    • serpent d’airain (Nb, XXI, 8) :
      • « serpen erei »
      • « lex »
      • « aaron»
      • « vulnerati »
    • bénédiction de Jacob (Gn. XLVIII, 14) :
      • « manases »
      • « jacob »
      • « effraim »
    • la Pâque (Ex. XII,7) :
      • «signum tau »
      • «mactatio agni »
      • «hoc est phaze »
    • rocher d’Horeb (Ex. XVII, 6) :
      • « desertum »
      • « petra »
      • « moyses »
    • sur les émaux du fût,
      • grappe de Canaan (Nb. XIII, 23) :
        • « klef »
        • « josve »
        • « botrvs »
      • Élie et la veuve de Sarepta (R.XVII,10) :
        • « elias »
        • « affer michi bvcellam panis »
        • « dvo ligna »
      • signe du Tau sur les fronts (Ez. IX, 4) :
        • « similis aaron »
        • « signati »
      • Isaac portant le bois du bûcher (Gn. XXII, 6) :
        • « ysaac »
        • « ligna »

    historique

    Provient probablement du trésor de l’ancienne abbaye Saint-Bertin à Saint-Omer ; réapparut après la Révolution chez un horloger de Saint-Omer qui le vendit à la ville en 1838.

    Critique d’authenticité

    L’objet est en assez bon état de conservation. Réparation par rivets au niveau du chapiteau à une date indéterminé. La question se pose de la fixation originale des quatre évangélistes par des vis. Question également sur l’ancienneté de la gaine en cuivre rouge dans laquelle était fichée la croix au sommet du chapiteau. Trous de fixation visibles sur le lit d’attente du chapiteau.

    Iconographie

    Formé d’une base hémisphérique et d’un pilier quadrangulaire, orné d’émaux et de statuettes en ronde bosse, ce pied de croix répond à un programme iconographique complexe.

    Les scènes vétérotestamentaires des émaux préfigurent la Crucifixion et la Rédemption : serpent d’airain, bénédiction de Jacob, signe du Tau sur les maisons (la Pâque), rocher d’Horeb (sur le pied) ; grappe de Canaan, veuve de Sarepta, signe du Tau sur les fronts, Isaac portant le bois du bûcher (sur le fût). Les évangélistes, assis sur la bordure végétale ajourée de la base, servent de support ; inspirés par leurs symboles sis à la jonction du socle et du pilier, ils rédigent leurs évangiles, où sont inscrits des passages relatifs à la Crucifixion.

    Le chapiteau à volutes végétales et fruits grenus abrite quatre figures en buste : les personnifications de la Mer (homme tenant un poisson) et de la Terre (femme munie d’une bêche) sont aisément identifiables ; les deux autres figures, autre- fois associées à l’Air et au Feu, représentent plutôt le centurion (bras levé) qui reconnut la divinité du Christ et l’allégorie de l’Abysse (tenant un dragon), symbole du mal vaincu par la mort du Christ.

    Commentaire

    L’œuvre évoque le pied de croix monumental (disparu) de Suger, qui avait appelé à Saint-Denis des orfèvres « lotharingiens », même si elle n’est sans doute pas sa copie réduite. Les émaux, peut- être dus à deux mains différentes, se placent, par leur trait et leur palette adoucis, par leurs effets diaprés (voir l’Armilia de la Résurrection du Christ du musée du Louvre, dépt. des Objets d’art, inv. OA 8261), dans la suite des commandes de l’abbaye de Stavelot des années 1150-1160 et même de l’activité de Godefroid de Huy († 1174), à qui ils ont pu être attribués. Les poses naturelles, les visages expressifs, les drapés souples et les accents antiquisants des évangélistes évoquent ceux du Bargello et la statuette Mare du Victoria and Albert Museum à Londres (inv. 630-1864).

    L’œuvre a dû être exécutée vers 1170-1180, sans doute pour l’abbaye Saint-Bertin, sous l’abbatiat de Godescalc (1163-1176) ou plus probablement au début de celui de Simon II (1176-1186), qui entreprit de reconstituer le trésor de l’abbaye.

    Elle a pu être réalisée par un atelier mosan ou par un orfèvre mosan venu à Saint-Omer, comme l’enlumineur d’origine mosane, peut-être aussi orfèvre, présent à Saint-Bertin vers 1160-1170, par un artiste maîtrisant la technique de la fonte à la cire perdue.

    Bibliographie

    Notice rédigée à partir de celle de Christine Descatoire dans Christine Descatoire et Marc Gil (dir.), Une Renaissance. L’art entre Flandre et Champagne 1150-1250, cat. d’expo. (Paris, Musée de Cluny- Saint-Omer, Musée Sandelin, Avril-Juillet 2013), Paris, RMN, 2013, cat. 47, de la base bibliographique constituée par M. Gil et Lucas Fellag, dans le cadre du projet e.thesaurus et des observations sur l’œuvre (M. Gil).

    • Du Sommerard 1840-46, IV, p. 61 et V, p. 188-189
    • Deschamps de Pas 1858, p. 5-17
    • Labarte 1864-66, II, p. 253-255
    • Van Drival 1874, p. 284
    • Von Falke & Frauberger 1904, p. 75-76, 135 et pl. 116 : Mâle 1922, p. 459
    • Laurent 1924, p. 80, 83-84
    • Garnier 1932, p. 216-229
    • Schnitzler 1934, p. 19 et suiv.
    • Usener 1939, p. 163-168
    • Gevaert 1943, not. 7
    • Collon-Gevaert 1951, pp. 162 et suiv., 182, 529
    • De Borchgrave d’Altena 1952, p. 52
    • De Montesquiou Fezansac 1953, p. 147-154
    • Landais 1953, p. 140
    • Swarzenski 1954, p. 102 et pl. 396
    • Collon-Gevaert et Alii 1962, not. 30
    • Schintzler 1962, p. 40
    • De Borchgrave d’Altena 1966, p. 93-112
    • Verdier 1966, p. 26 et fig. 9
    • Gomez-Moreno 1968, p. 268
    • Bloch 1969, p. 133
    • Fillitz-Bittel-Von Euw 1969, p.
    • Verdier 1970
    • Gauthier 1972, no 88 et p. 130-131
    • Lasko 1972, p. 299
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    • Gaborit-Chopin 1981
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